"Mort du gaullisme ?"
Guy Rossi-Landi
La Lettre politique et parlementaire - 23/09/2002
En se bornant à
évoquer "une certaine idée de la France", le général de Gaulle, profondément
pragmatique, n'a jamais fait un effort conceptuel pour définir le gaullisme. Et
l'on a compté presque autant de gaullismes qu'il y a eu de gaullistes : héroïque
sous la Résistance (ce fut le plus authentique, celui de Jacques Chaban-Delmas
et Michel Debré), unanimiste à la Libération, presque séditieux sous la IVe
République, apaisé puis technocrate sous la Ve.
Il y avait,
toutefois, chez ceux qui se réclamaient du gaullisme, quelques données
permanentes, qu'on a plus ou moins retrouvées tout au long de son histoire : le
culte de la Nation, le désir d'un état fort, le refus du clivage droite-gauche.
Dès son
avènement, Georges Pompidou fut suspecté de leur être infidèle, en laissant
entrer le Royaume-Uni dans l'Europe ou en renonçant au mythe de la
participation. C'est Jacques Chaban-Delmas qui incarnait la fidélité au général.
Et c'est Jacques Chirac qui provoqua son échec à l'élection présidentielle de
1974. C'est alors, et non pas aujourd'hui, qu'il fut le fossoyeur du gaullisme.
Par la suite,
hors quelques velléités sans lendemain (l'appel de Cochin, peut-être aussi
l'évocation d'un travaillisme à la française), Jacques Chirac fut toujours plus
proche du pompidolisme que du gaullisme. Son ralliement à l'Europe
supranationale, son choix d'un Premier ministre girondin, son positionnement
sans complexe à droite ont, en effet, permis de réaliser l'union (toujours
prônée par un autre pompidolien, Édouard Balladur) sous la bannière d'une droite
moderne et libérale, qui n'a plus rien à voir avec ce que souhaitait le général
de Gaulle.
"Nous nous
sommes rapprochés", a constaté samedi Michèle Alliot-Marie ! C'est le moins qu'on
puisse dire. à part quelques nostalgiques (qui ne se font plus guère entendre,
comme Philippe Séguin), les gaullistes ont, en effet, renoncé à leur sensibilité
nationale et étatique, désormais archaïque. Personnellement, nous nous
réjouissons de cette redistribution des cartes, presque soixante ans après que
de Gaulle, ce grand manipulateur, a brouillé le jeu en fondant le Rassemblement.
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