INTRODUCTION
Parler du
gaullisme et de l’Europe impose deux remarques terminologiques liminaires,
quant à la construction européenne d’une part et quant au gaullisme d’autre
part.
Au sujet de la construction
européenne, il convient dans l’analyse d’un discours partisan de ne pas se fier
aux termes employés, mais de regarder la réalité des faits. Le champ des forces
politiques revendiquant une conception supranationaliste de la construction
européenne est en effet beaucoup plus étroit que celui des forces politiques
acceptant dans les faits des institutions à caractère supranational. Au-delà
des querelles sémantiques et juridiques,
cette étude s’articulera par volonté pédagogique à partir d’une opposition
théorique entre deux types de construction européenne, axée autour de la
question du refus ou de l’acceptation d’institutions supranationales.
D’un côté les conceptions nationalistes
ou stato-souverainistes (souveraineté indivisible de l’État), refusant le
principe d’une intégration supranationale, c’est-à-dire favorables à des
institutions à caractère intergouvernemental.
D’un autre côté les conceptions
supranationalistes, prévoyant des institutions à caractère fédéral. Mais si le
confédéralisme renvoie aux conceptions stato-souverainistes, toute intégration
supranationale n’induit pas qu’il y ait fédéralisme. Le fédéralisme correspond
en effet à l’idée d’un partage de la souveraineté entre plusieurs échelons
(infranational ou régional ; national ; supranational ou européen)
aboutissant à la superposition de deux ordres étatiques : celui des États
fédérés et celui de l’État fédéral.
Or une intégration supranationale peut respecter le principe de la souveraineté
étatique par des délégations de souveraineté à l’échelon européen, sans qu’il y
ait formation d’un État fédéral européen.
Tel est actuellement le cas de
l’Union européenne, dont
l’enjeu n’est donc plus la question de la supranationalité mais au sein de
celle-ci du passage ou non au fédéralisme.
Au sujet du gaullisme enfin,
cette analyse se délimitera au gaullisme stricto
sensu, c’est-à-dire au gaullisme sous Charles de Gaulle (jusqu’en 1969). Il
faut cependant signaler que la construction européenne sera ensuite un sujet de
vives polémiques politiques entre gaullistes, du référendum de 1972 sur
l’élargissement de la Communauté européenne à celui de 1992 sur l’Union
européenne.
D’où la question fondamentale
suivante : existe-t-il une doctrine européenne gaullienne ? D’autant
plus que dans le domaine de la construction européenne la continuité de la
doctrine gaullienne est imparfaite : ce n’est en effet qu’au début des
années 1950 que la doctrine européenne gaullienne se fixe telle qu’elle est
actuellement popularisée, en particulier dans son opposition à une Europe
supranationale.
Il convient en outre d’éviter
deux écueils qui menacent toute étude du gaullisme.
Le premier écueil est relatif au gaullisme
étudié : est-ce le gaullisme de l’action gouvernementale et présidentielle
de Charles de Gaulle ou est-ce le gaullisme des discours et écrits
gaulliens ? Il est en effet nécessaire de s’attacher aux deux, comme dans
les autres domaines (en particulier social et institutionnel), Charles de
Gaulle n’ayant parfois que très partiellement pu mettre en pratique la doctrine
gaullienne telle qu’elle ressort de ses discours ou écrits.
Le second écueil est la théorie d’un gaullisme-pragmatisme, sans doctrine
préétablie, théorie qui sera d’emblée écartée.
Si le gaullisme est un pragmatisme, il s’agit en effet d’un pragmatisme de
moyens (quand et comment le faire ?) et non de finalité (que
faire ?). Il existe donc bien une doctrine gaulliste.
Deux axes d’études permettront de dégager la conception
gaullienne de l’Europe : d’une part la gestion par Charles de Gaulle de la
construction européenne réalisée sans sa participation, et d’autre part ses
tentatives de construction d’une Europe gaulliste.
page suivante
les principales
différences juridiques entre fédération et confédération sont les
suivantes :
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confédéralisme |
fédéralisme |
acte fondateur |
traité international |
Constitution |
souveraineté |
États confédérés |
État
fédéral États fédérés |
sujets de droit international |
États confédérés |
État
fédéral |
sujets |
États confédérés |
citoyens de la fédération |
prise de décision |
unanimité ou majorité renforcée |
majorité |
applicabilité des décisions |
par l'intermédiaire des États confédérés |
directe |
la
répartition des compétences entre États fédérés et État fédéral s’effectuant,
par exemple, en appliquant le principe de subsidiarité, issu de la doctrine
chrétienne sociale.
qualifiée par
Jacques Delors d’« objet politique
non identifié ».
référendum
du 23 avril 1972 : l’Association pour la fidélité à la mémoire du général
de Gaulle (Pierre Lefranc) s’oppose à l’adhésion de la Grande-Bretagne,
souhaitée par le président de la République Georges Pompidou ; référendum
du 20 septembre 1992 : le Rassemblement pour le non (Charles Pasqua,
Philippe Séguin) s’oppose à la ratification du traité de Maastricht soutenue
par Jacques Chirac, président du Rassemblement pour la République (R.P.R.).
notamment la
participation ou association
capital-travail, la déconcentration régionale, la réforme du Sénat, etc.
même si cela
semble plus se vérifier en matière européenne que dans d’autres domaines,
notamment en matière économique et sociale où la théorie du gaullisme-pragmatisme
sert d’alibi à certains conservateurs, qui se réclament du gaullisme en
l’amputant de sa doctrine sociale (troisième voie anticapitaliste et
antimarxiste, rôle de l’État, etc.).
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